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Incendie de la chefferie Bandjoun |
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Article posté par marcyn vu 264 fois. Scandale, meurtre, attentat … Il n’y a pas de maux pour qualifier ce qui s’est passé à Bandjoun, avec la destruction délibérée de l’âme du village. Si l’on doit laisser la place à l’enquête pour déterminer les responsabilités des uns et des autres, il est concevable de lancer un cri d’alarme pour que la raison revienne dans un village où la plupart ne recherche que la paix. Et pour que, plus jamais ne se répètent de telles situations, il est nécessaire de sensibiliser l’opinion. C’est le sens de ces propos.
Loin de sombrer dans une polémique stérile qui n’a d’égal que des inhumains, chaque enfant du village a le droit de dire ce qu’il pense de cette honte.
Nous savons tous, que selon la tradition, le sort d’une personne qui commet un acte aussi odieux est scellé. Mais si l’on sait que la violation d’un interdit traditionnel peut entraîner la mort, pourquoi aller au suicide. Peut-être parce qu’au village, en raison des frustrations dont ils sont victimes, certains se prennent déjà pour morts. Et c’est grave, car ce sont de “ véritables bombes humaines ” qui sont créées, par d’autres fils du village, pour satisfaire leur égoïsme sans limite.
Un exemple pour étayer ce propos. Sur cinq familles au village Bandjoun, deux au moins ont des raisons de se plaindre d’avoir été spoliées de leurs terres. La boulimie de la terre, voilà un contentieux important qui risque de se développer si rien n’est fait de la part des pouvoirs publics. Le scandale de Togo Djo n’est pas une invention. Et ce n’est que la suite de ce que tout le monde connaît. D’aucuns n’ont-ils pas trouvé dans un litige foncier les causes immédiates de cet attentat ?
Ceux qui osent dénoncer la spoliation sont traités de “ voyou. ” Et c’est le lieu de tenter de les isoler, voire de les neutraliser. Et il y a toujours, en face, des frères et sœurs pour soutenir des injustices aussi flagrantes. Pourtant très anormal. Mais la raison a-t-elle pris un coup ?
Revenons à l’essentiel, à savoir l’attentat contre notre chefferie. La presse nous fait savoir que les responsables ont été interpellés.
A supposer que ce soient les vrais responsables, raisonnons un peu sur ce qui peut les avoir conduit à poser un acte aussi odieux.
Peut-être par déception de n’avoir pas vu les leurs accéder au trône. Mais ce trône tant convoité, n’est-il pas un bien commun ? Depuis des siècles, les rois passent et assurent la paix dans notre village. D’où viennent alors ceux qui pensent que s’ils ne sont pas choisis, ils vont détruire l’âme d’un peuple ? Encore de l’égoïsme sans limite. Décidément, il y en a de trop.
Véritable casse-tête ? Évidemment non. Car dans la tradition, le roi est sacré. Mais depuis quelques années, certains ont tenté de démontrer que le roi était un homme comme tous les autres. Au point qu’à ce jour, plus personne n’a peur du sacré à Bandjoun.
Premier carrefour ; feux verts : Un célèbre poète n’a-t-il pas écrit, il y a de cela quelques années une “ lettre ouverte à un roi Bamiléké ” ? L’auteur s’en défend. Il a voulu peut-être dénoncer des injustices. Mais d’où sortent ces fils du village qui se permettent d’écrire contre le roi ? N’est-ce pas une façon de le banaliser ?
Deuxième carrefour ; feux oranges : Un célèbre homme d’affaires n’a-t-il pas, au vu et au su de tous les sujets, mené et remporté une bataille politique sans merci contre le défunt roi ? Là aussi, il a montré que l’on pouvait s’attaquer avec succès au sacré.
Troisième carrefour : feux rouges : tout récemment, un célèbre homme d’affaires n’est-il pas délibérément entré dans des lieux sacrés réservés aux neuf notables. Et rien ne lui est arrivé. Pourtant, selon la tradition, le simple fait de pénétrer dans ces lieux entraînerait la mort.
Ces quelques exemples pour dire quoi ? Qu’à Bandjoun, certains ont montré que le roi pouvait être l’égal de tout le monde ; que l’on pouvait impunément le narguer, l’insulter, le combattre, lui parler comme si on s’adressait à monsieur tout le monde.
Plus grave, certains vivants sont intervenus dans le cadre de la succession royale comme si c’était leur propre succession. On raconte ici et là, que des dizaines, voire des centaines de millions ont été dépensés pour bloquer certains et privilégier d’autres prétendants. Mais nous ne sommes plus en phase avec la tradition.
Il y a de cela bien longtemps, Molière écrivait dans l’Avare, Acte III, scène 1. [Que diable, toujours de l’argent ! il semble qu’ils n’aient autre chose à dire : De l’argent, de l’argent, de l’argent ” Ah ! ils n’ont que ce mot à la bouche : “ de l’argent ” Toujours parler d’argent].
Des siècles plus tard, ces phrases restent d’actualité à Bandjoun. Et c’est bien le slogan de certains. Montrer leur force de frappe, et c’est tout. Tant pis pour la communauté ; tant pis si des enfants du village travaillent pour eux et ne sont pas payés. Au juste, ce sont les enfants de qui ? A-t-on coutume de l’entendre. En tout cas, ce ne sont pas les leurs. On peut appeler cela de l’escroquerie. Seulement, pas de la part de n’importe qui. Car si vous parlez, vous risquez votre peau. Des menaces de mort ne manquent pas dans ce monde à part. Pourtant, toute injustice mérite d’être dénoncée.
Le roi est sacré, et l’argent ne peut pas rendre roi. La chefferie est un bien commun, et doit être à l’abri des disputes, manipulations et revendications. Ceux qui, de près ou de loin, ont favorisé l’attentat contre notre chefferie n’auront jamais la conscience tranquille. Ils rendront compte devant l’histoire. Nous espérons que les coupables seront arrêtés et punis conformément à la législation en vigueur.
Pour l’avenir, évitons ces polémiques qui ne peuvent que nuire à la communauté. Revisitons Molière, dans L’Ecole des femmes, acte I, scène 4. [Vous savez mieux que moi, quels que soient nos efforts, que l’argent est la clef de tous les grands ressorts, et que ce doux métal qui frappe tant de têtes, en amour comme en guerre, avance les conquêtes ”]. Et ajoutons “ pas à n’importe quel prix ”. Un peu d’humanisme, tout de même. Ah ! si Molière vivait encore, il se serait probablement installé à Bandjoun pour mieux décrire cette société sans valeurs.
Rassemblons le village au lieu de le diviser. Car il n’y a pas que l’argent dans la vie. Construisons un village d’amour et de paix, un lieu où il fait bon vivre, et non un temple d’insécurité. Tous ensemble, disons : “ plus jamais ça ”.
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