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Réforme de l’Enam: Amama résiste à Inoni |
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Article posté par Arise1Always vu 272 fois. [ Yaoundê - Cameroun ] ( 30/05/2005) Alain B. Batongué
Qui aurait pu imaginer qu’en signant, le 11 mai dernier, une série d’arrêtés ouvrant la formation à l’Enam aux Camerounais titulaires de diplômes universitaires scientifiques, le ministre en charge de la Fonction publique déclencherait une véritable tempête soufflant jusqu’au à la présidence de la République ? Le Premier ministre a demandé d’annuler les textes convoquant le concours.
Qui aurait pu imaginer qu’en signant, le 11 mai dernier, une série d’arrêtés (trois au total) ouvrant la formation à l’Enam aux Camerounais titulaires de diplômes universitaires scientifiques, le ministre en charge de la Fonction publique déclencherait une véritable tempête soufflant jusqu’au sommet de la hiérarchie administrative de l’Etat et atteignant à la fois le Premier ministre et le ministre d’Etat secrétaire général à la présidence de la République ?
Nos confrères de La Nouvelle Expression, dans leur édition de vendredi dernier, évoquant ce qui n’était encore qu’une rumeur, titraient sur " Inoni Ephraim contre Benjamin Amama ". Une formule à peine exagérée, tant la nouvelle rendue publique a suscité l’émoi de la hiérarchie du Minfopra.
Selon nos informations, le Premier ministre n’aurait apprécié que modérément l’initiative de son collaborateur qu’il a aussitôt convoqué pour une séance de travail dans son cabinet mardi le 17 mai. Une autre réunion, convoquée cette fois par le Sg du Pm, Jules Doret Ndongo, se tenait le lendemain, 18 mai. La sanction du Pm " tombera " le 19 mai, sous la forme d’une correspondance adressée au Minfopra, et où il lui est purement et simplement demandé " de bien vouloir, sans délais, modifier (ses) arrêtés (…) portant ouverture des concours d’entrée aux cycles " A " et " B " de l’Enam pour les conformer à la réglementation en vigueur qui fixe les conditions et modalités d’ouverture desdits concours ". C’est, manifestement, une instruction claire à laquelle il demande d’ailleurs un compte rendu d’exécution lors du conseil de cabinet convoqué pour le 24 mai.
On sait aujourd’hui, à la lecture du compte rendu du conseil tenu jeudi dernier, que le sujet n’a pas été évoqué, et que le Pm est resté courtois vis-à-vis de son collaborateur. Mais le problème ne semble pas réglé pour autant puisque, selon nos sources à la Primature, " le Pm n’a pas renoncé à son exigence de faire annuler, par le Minfopra lui-même, ce concours qui va à l’encontre de la réglementation en vigueur. "
Mais à la Fonction publique, les choses semblent claires. Dans une correspondance signée le 24 mai, et en réponse au courrier à lui adressé par le chef du gouvernement, Benjamin Amama explique que " ces arrêtés ont été pris en application des dispositions pertinentes du décret 2000/696/PM du 13 septembre 2000 fixant le régime général des concours administratifs, notamment en ses articles 2, 3 et 22 alinéa (3) ". Mais sans se fermer aux instructions de sa hiérarchie, il suggère que lui soient précisés " les textes dérogeant au décret susvisé, ainsi que les dispositions à appliquer. "
Textes et contexte
Une vraie bataille juridique dont s’est ému le ministre d’Etat secrétaire général à la présidence de la République, Jean Marie Atangana Mebara, qui à son tour a demandé, pour " la Haute information du chef de l’Etat ", de savoir de quoi toute cette affaire retournait. Réponse identique du Minfopra qui indique dans une autre correspondance signée ce même 24 mai, qu’il n’a fait que respecter la réglementation en vigueur, et qu’il est toujours dans l’attente d’informations contraires, pour mettre en œuvre les instructions de la hiérarchie.
Dans ce dossier, où aucun des interlocuteurs directs ne s’est montré disposé à communiquer directement, en dehors de ces échanges épistolaires, la lecture des articles indiqués plus haut donne un autre élément d’éclairage. L’article 2 du décret sus-cité définit les concours administratifs comme " l’ensemble des modes de recrutement des fonctionnaires consistant en une sélection des candidats, en vue de pourvoir aux postes de travail dans la Fonction publique de l’Etat ".
L’alinéa (1) de l’article 3 stipule que " le nombre de postes de travail disponibles en vue de recrutement est déterminé par le ministre chargé de la Fonction publique, sur la base d’un planning annuel et des dotations budgétaires, en fonction des besoins exprimés par les départements ministériels ". Enfin, selon l’article 22 alinéa (3), " l’acte d’ouverture fixe les conditions à remplir par les candidats, ainsi que la nature et les coefficients des épreuves du concours de bourse concerné. " En rappel, le concours de l’Enam désormais ouvert aux scientifiques vise, selon les propos du Minfopra dans une interview accordée à nos confrères de Cameroon Tribune, " à permettre aux fonctionnaires maîtrisant désormais l’outil informatique, de jouer pleinement le rôle d’interface entre les producteurs de logiciels et les utilisateurs, et de consacrer la modernisation de notre administration, vœu rappelé plusieurs fois par le président de la République. "
Benjamin Amama: Une réputation bâtie sur concours
Le nouveau Minfopra est un habitué des... situations compliquées.
Ce n’est pas la première fois que Benjamin Amama se retrouve au devant de la scène, à partir d’un acte qu’il pose. A dire vrai, il est même coutumier du fait, si on en juge par l’autre bataille, celle des portails de son département ministériels et des délais de traitement des dossiers qu’il a engagée au Minfopra, quelques jours seulement après son entrée au gouvernement le 08 décembre dernier. C’est en effet lui qui, en tant que directeur général de l’Enam, décide le jour des épreuves écrites du concours d’entrée au cycle " A " de cette prestigieuse école, de faire appliquer à la lettre une disposition qui demandait de fermer les portails à 7h, pour des épreuves devant commencer rigoureusement à 7h 30. Résultat : de nombreux candidats seront coincés et ne présenteront pas ce concours, en dépit des interventions des plus hauts pontes de la République. Compte tenu du nombre et de la position des personnalités " lésées ", l’opinion se dit que ses jours étaient comptés à la tête de cette école, il y a plus de trois ans…
C’est encore lui qui, il y a un an, décide d’annuler les résultats d’un concours d’entrée dans la même école, au motif que les impétrants ont été convaincus d’acte de corruption. Dans leurs multiples développements, les médias et l’opinion lui prêtèrent toutes sortes de ramifications mafieuses, mais le chef de l’Etat lui donna raison, en le propulsant même à la tête du ministère de la Fonction publique où, quelques mois plus tôt, il avait eu au moins un problème d’interprétation avec le précédent ministre, René Ze Nguélé. Mais on doit à la vérité de reconnaître que, dans ce dossier, tout n’a pas été dit.
Benjamin Amama serait-il un spécialiste des bras de fer ? Serait-il si proche du chef de l’Etat dont il aurait, pour l’instant, toute la confiance pour conduire les réformes engagées dans la Fonction publique et tous ses démembrements ? Difficile à dire. Même si on doit reconnaître que cet ancien haut responsable à la délégation générale pour la recherche extérieure ne manque généralement pas de culot lors de la prise de ses décisions, dont l’un de ses proches indique qu’il" s’efforce de les prendre en conformité avec les textes en vigueur, et en faisant le moins de compromis possible avec la complaisance et le laxisme ".
Son passage à l’Enam, de 2000 jusqu’au 08 décembre dernier (même s’il n’a pas encore été remplacé officiellement, son Dga assume l’intérim depuis lors), a ainsi laissé les traces d’un homme qui ne badine pas avec les principes et qui se bat pour un retour à l’orthodoxie.
Benjamin Amama, dont on aura du mal à prédire l’avenir politique, ou dans la haute administration, alors qu’il a encore six années à servir avant sa retraite de fonctionnaire, semble également un habitué des cabinets, puisqu’il a servi à la présidence de la République comme attaché, puis comme conseiller dans les services du Pm. Il a également été rappelé à la présidence de la République, cumulativement avec ses fonctions de directeur général de l’Enam, comme conseiller technique.
Regard: Le politique et le juridique
Une bourrasque contre le principe de solidarité gouvernementale et de hiérarchie administrative ? Une simple tempête autour d’un verre d’eau ? Chacun aura son opinion sur la question, même si on s’étonne de ce que, une mesure interprétée dans les services du Pm comme " un acte de routine du ministre de la Fonction publique ", et de ce fait retirée de la feuille de route présentée en son temps par ce département ministériel soit érigée aujourd’hui en une affaire d’Etat…
Car, dans le fond et en parcourant l’histoire, on peut noter deux choses : d’abord, l’ouverture du concours de l’Enam à des scientifiques n’est pas aussi inédite qu’on a voulu le faire croire. Du temps de René Ze Nguélé, il avait donné suite à une correspondance du ministre des Finances et du Budget, Michel Meva’a M’eboutou en octobre 2003, qui avait souhaité le recrutement dans les régies financières de l’Enam, de 75 inspecteurs titulaires de diplômes scientifiques, notamment des licences en mathématiques ou en sciences physiques, et de 80 contrôleurs titulaires d’un Bts en informatique.
L’ouverture du présent concours, croit-on savoir, obéit à une demande similaire faite par le ministre de l’Economie et des Finances qui se serait étonné du déficit de la Fonction publique camerounaise en ressources humaines dans le domaine pointu de l’informatique, avec pour conséquence " le recours aux cabinets privés pour l’exécution de certaines missions de service public, avec pour conséquences, entre autres, l’assujettissement de l’administration du fait du monopole de ces prestataires, et surtout, de leur rémunération exorbitante ". La demande est donc réelle et le problème incontournable, d’autant plus que l’éternel problème de budget avait été réglé en amont, une dotation spéciale ayant été attribuée à l’Enam en avril dernier, " pour régler des problèmes spécifiques, dont celui relatif à l’organisation des concours. "
Un élément supplémentaire qui vient corroborer ce point de vue d’un enseignant de droit public à l’université de Yaoundé II à Soa, qui indique qu’en la matière, “il n’y a eu aucun vice de forme de la part du Minfopra, autorité chargée, selon la loi, de l’organisation des concours administratifs, en fonction des besoins exprimés par les départements ministériels”. Et de poursuivre, sûr de son fait, “qu’il est quasi impossible que le ministre revienne sur sa décision, puisqu’il n’a commis aucune faute. Au surplus, en partant du principe juridique selon lequel qui peut le plus peut le moins, le Pm peut maintenant décider de rapporter cette décision. Mais, ce serait grave, parce qu’il lui faudrait en assumer les conséquences auprès de l’opinion et de sa propre hiérarchie.”
Cela dit, indique une source à la Primature, " même si tous les aspects juridiques ont été respectés, le ministre chargé de la Fonction publique aurait dû tenir compte de la portée politique de cet acte, et en faire profiter à son chef de gouvernement ". Et si, finalement, le Pm, poussé à bout par des courtisans zélés, avait simplement été induit en erreur en engageant un inutile bras de fer?
Ce serait un comble pour un gouvernement à qui on a rappelé les vertus de la solidarité, l’action positive de l’un devant rejaillir sur l’ensemble de l’équipe. Une rapide paix des braves donnerait une meilleure lisibilité à une mesure qui a été saluée la semaine dernière par un compatriote basé en France, (ironie de l’histoire), comme " la marque de la première innovation du gouvernement Inoni (…) qui contribuera à la réalisation de l’un des volets du projet de société défini par le chef de l’Etat ". Ce lecteur enthousiaste sait-il que des personnalités se battent pour une mesure qui est supposée profiter au Cameroun tout entier ?
© 2005 QUOTIDIENMUTATIONS
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